Des écrans aux couloirs, lutter collectivement contre le harcèlement scolaire

©A Harnichard

Je me rends régulièrement dans les collèges essonniens, à la rencontre des élèves, des enseignants et des équipes éducatives. Ces moments d’échange sont toujours privilégiés : en tant que président du Département, mais aussi en tant que parent, je mesure à quel point nos enfants grandissent dans un environnement traversé de nouveaux défis. Lors de ma récente visite au collège de Mennecy, nous avons évoqué ensemble le numérique, ses formidables opportunités, mais aussi les risques qu’il porte - alors qu’en moyenne, un jeune passe plus de temps devant un écran qu’à l’école : environ quatre heures par jour, soit bien davantage que les 900 heures de cours annuelles.

Le numérique ouvre un champ de connaissances infini, mais il peut aussi devenir le lieu de toutes les dérives, et notamment, des mauvaises rencontres et des comportements malveillants. Les écrans désinhibent ; derrière eux, il est plus facile de blesser, d’insulter ou d’humilier. Dans une société qui comprend mieux la différence et qui sait faire preuve de solidarité - j’ai vu des collégiens, à Bures-sur-Yvette, accompagner chaque jour un camarade en situation de handicap pendant la récréation - il est d’autant plus insupportable de voir persister, souvent en ligne, des actes de grande violence.

Un phénomène alarmant et ses conséquences

Les chiffres parlent d’eux-mêmes. Selon la dernière étude de l’Association e-Enfance / 3018 – Caisse d’Epargne, réalisée avec l’institut Audirep, 37 % des jeunes ont déjà été victimes de harcèlement ou de cyberharcèlement, un phénomène qui touche dès l’école primaire : 35 % des enfants sont concernés dès 6 ans. Dans 71 % des cas, le harcèlement se produit au sein même de l’établissement scolaire, mais il se poursuit souvent sur les réseaux, notamment via WhatsApp (41 %), où un quart des cas surviennent dans des groupes de classe. Les conséquences sont graves pour la santé de nos enfants : perte de confiance, angoisses, troubles du sommeil, pensées suicidaires. Une victime sur quatre déclare avoir déjà pensé à se faire du mal, un chiffre qui s’élève à 39 % chez les jeunes filles.

Le profil des auteurs et des témoins révèle la complexité du phénomène. Près d’un jeune sur cinq reconnaît avoir participé à un acte de harcèlement, souvent entraîné par la dynamique de groupe. Près de la moitié des auteurs ressentent un mal-être après leurs actes, et un tiers auraient souhaité savoir dire non. Parallèlement, 28 % des élèves déclarent avoir été témoins de situations de harcèlement, exprimant le besoin crucial d’être accompagnés par des adultes ou des psychologues pour agir efficacement et en sécurité.

Ces chiffres rappellent que le harcèlement est un engrenage précoce, silencieux et durable. Les symptômes d’un mal-être physique et psychique sont des signaux d’alerte déterminants qui ne peuvent plus être ignorés. La vigilance collective est une nécessité.

Prévenir, accompagner et mobiliser collectivement

Face à cette urgence, le Département agit avec l’Éducation nationale et les associations partenaires pour prévenir le harcèlement dès le plus jeune âge et accompagner toutes les personnes impliquées. 

Pour instaurer un climat scolaire serein et prévenir les situations de tension, 13 Médiateurs “bien-être scolaire” interviennent dans 26 collèges essonniens. Formés à la méthode Pikas et au programme national pHARe, ils soutiennent les équipes éducatives et accompagnent les élèves avec bienveillance. D’autre part, les actions collectives et les innovations pédagogiques mises en place par le Département permettent aux élèves de mieux comprendre les mécanismes du harcèlement et de développer leur empathie. Ateliers de prévention, groupes de parole et le jeu EmpathiC Game, premier escape game de prévention du harcèlement, offrent un cadre ludique et participatif. Deux kits sont déjà en circulation dans les collèges, animés par des médiateurs et des ambassadeurs formés pour guider les élèves dans ces activités.

La prévention passe également par le numérique éducatif. Au collège Roland-Garros en ce mois de novembre, trois classes de 6ème participeront à l’action “Sensibilisation aux usages d’internet et du numérique”, organisée par l’association e-Enfance. Autour de débats et de mises en situation, les élèves pourront échanger sur leurs expériences et découvrir le 3018, le numéro national dédié aux victimes et témoins de harcèlement et de cyberviolences. La plateforme Internet Sans Crainte, accessible via l’ENT, propose aux enseignants des parcours “clés en main” pour aborder le cyberharcèlement en classe. Cette plateforme a été ouverte aux parents et aux élèves lors de ce 6 novembre, journée du non-harcèlement, accompagnée d’un webinaire pour échanger et outiller chacun face aux risques liés aux usages numériques. La semaine prochaine, des séances de projection-débat autour du film TKT, inspiré d’une histoire vraie, permettront aux collégiens du collège Chantemerle à Corbeil-Essonnes et à des lycéens d’analyser les mécanismes du harcèlement et du cyberharcèlement, de réfléchir à leur responsabilité sur les réseaux sociaux et d’adopter des usages numériques raisonné et bienveillant.

Enfin, la mobilisation collective reste essentielle. Les parents jouent un rôle central : 64 % expriment leur inquiétude quant aux dangers du numérique, 90 % réclament la responsabilisation des réseaux sociaux et 72 % souhaitent que l’accompagnement psychologique soit intégré à l’assurance scolaire. Ces attentes illustrent la nécessité d’une action partagée, où familles, établissements, collectivités et plateformes numériques travaillent ensemble pour lutter efficacement contre le harcèlement.

Pour une jeunesse protégée et écoutée

Aucun élève ne doit aller à l’école avec la peur au ventre. Face à la montée du harcèlement et des violences numériques, notre responsabilité collective est totale : parents, enseignants, institutions, associations, collectivités et plateformes doivent agir de concert.

En Essonne, nous faisons le choix de la prévention, de la bienveillance et du courage éducatif, pour répondre à un fléau qui se mue en urgence de santé publique. Le Département poursuivra son action au plus près des établissements, pour que chaque enfant trouve dans son collège un lieu de confiance, de sécurité et d’épanouissement. Parce que protéger nos enfants, c’est préparer l’avenir. Et parce que la bienveillance n’est pas une option : c’est un devoir commun - un rendez-vous collectif auquel nous ne pouvons nous soustraire.

Votre enfant ou quelqu’un que vous connaissez est victime de harcèlement scolaire ?

Contactez le 3018 sans plus attendre - numéro d’appel gratuit, anonyme et confidentiel, accessible 7 j/7 de 9h à 23h.

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