À la mémoire de Paul Varry, l’urgence de partager la route pour des horizons sûrs, solidaires et durables

©Alexis Harnichard

En ce mois d’octobre 2025, nous rendons hommage à Paul Varry, cycliste passionné et engagé pour des routes sûres, partagées et respectueuses de chacun. Un an après sa disparition brutale, le décès d’une cycliste à Paris ce vendredi fait douloureusement écho à son combat, et met en lumière avec gravité, la fragilité des équilibres qui régissent nos déplacements : les modes actifs ne peuvent se développer que si les infrastructures sont adaptées, les comportements maîtrisés, et l’éducation à la sécurité routière continue. Parce que sécuriser ces modes est la condition pour favoriser des déplacements de proximité, réduire la dépendance à la voiture, améliorer la santé, protéger l’environnement et renforcer la cohésion sociale. La sécurité doit reposer sur un engagement collectif et une culture du respect - pour faire de la route un lieu de mobilité harmonieuse et de vie commune.

La fragilité des routes partagées : protéger les plus vulnérables

La sécurité des cyclistes et de l’ensemble des usagers est un impératif qui dépasse les clivages, alors que 3000 personnes décèdent encore chaque année sur nos routes françaises. La loi promulguée en juillet 2025, créant le délit d’homicide routier, constitue une avancée majeure. Elle permet de qualifier les violences motorisées, de mieux responsabiliser les automobilistes et de protéger les plus vulnérables. Nous devons à présent aller plus loin, et poser un diagnostic complet, en mesurant le coût invisible des accidents - proches, secours, soins -, alors que pour chaque victime directe, près de neuf personnes subissent des conséquences collatérales, soit près de 200 000 personnes touchées chaque année. Une récente initiative que je salue, portée par le député Éric Pauget, doit interpeller le gouvernement sur la nécessité d’une évaluation complète et précise de l’insécurité routière.

Les chiffres confirment l’urgence. Plus d’un Français sur deux a été confronté à des comportements hostiles au volant, de l’insulte au frôlement volontaire. Les jeunes adultes de 18 à 34 ans sont les plus exposés, et 37 % des automobilistes reconnaissent avoir déjà adopté un comportement agressif. Pourtant, seulement 3 % estiment que les autres conducteurs respectent le code de la route, contre 80 % se jugeant eux-mêmes respectueux : une dissonance qui traduit les tensions croissantes sur nos routes. Selon l’Observatoire national interministériel de la sécurité routière (ONISR), en 2024, les cyclistes représentaient 7 % des tués, avec un risque près de quatre fois supérieur à celui en voiture, et dans deux tiers des collisions mortelles, ils n’étaient pas présumés responsables. Ces constats soulignent la nécessité d’une prévention, et d’aménagements adaptés - notamment aux modes vulnérables - pour sécuriser et harmoniser la circulation de tous.

Apaiser et harmoniser : une responsabilité collective

En tant que ministre des Transports confronté au drame qui a coûté la vie à Paul Varry, j’avais confié à Emmanuel Barbe, ancien délégué interministériel à la sécurité routière, une mission nationale. L’objectif était de proposer des mesures pour réduire les conflits d’usage, renforcer l’éducation routière tout au long de la vie, améliorer les aménagements, et mieux détecter les comportements violents. Les conclusions de cette mission, remises au printemps, ont mené au déploiement de la campagne nationale inédite « Priorité au respect », visible du 15 au 21 octobre dans plus de 800 villes françaises. Cette démarche vise à conduire dans les territoires une pédagogie adaptée, et faire du respect mutuel une culture partagée sur nos routes. L’écho des recommandations doit encore se poursuivre, auprès des parlementaires, afin que le législateur s’en saisisse pleinement.

Penser la mobilité tout au long de la vie implique aussi d’accepter certaines adaptations liées à l’âge ou à la perte d’autonomie : ce n’est pas une sanction, mais une protection pour soi et pour les autres. Cela interroge le droit à se déplacer et invite à repenser notre regard sur la vieillesse pour construire une société où chacun compte, sur la route comme ailleurs. Les études de la Fédération française des usagers de la bicyclette montrent que les aménagements existants restent insuffisamment sécurisants : enfants et seniors ont encore des difficultés à circuler en confiance. Une sécurité nécessaire pour tous, alors qu’elle est la condition préalable à un équilibre collectif serein des déplacements et à une démocratisation vertueuse de la pratique du vélo.

Le vélo, levier de proximité, d’autonomie, d’économies et de décarbonation

Sécuriser le vélo, c’est ouvrir la voie à une mobilité bénéfique sur tous les plans : environnemental, social, sanitaire et économique. Selon l’ADEME, 76 % des Français vivent à moins de 4 km des équipements essentiels, une distance réalisable en 15 minutes à vélo, et même en zone rurale, 36 % peuvent envisager des déplacements quotidiens à vélo. Favoriser ces mobilités actives réduit la dépendance à la voiture, limite les émissions de gaz à effet de serre, améliore la santé et renforce la cohésion sociale. Le vélo est aussi un instrument d’inclusion : il favorise l’autonomie et lutte contre l’isolement. Le vieillissement de la population rend cette question cruciale : les 65‑80 ans doivent devenir une priorité des politiques cyclables. L’expérience des Pays-Bas nous le montre : les 65‑75 ans sont les premiers amateurs de vélo, réalisant près d’un quart de leurs déplacements. Alors qu’en France l’âge reste souvent un frein, des aménagements adaptés permettent aux seniors de rester mobiles, autonomes et connectés à la vie collective.

Chaque kilomètre à vélo peut remplacer entre 6 et 20 km en voiture, réduisant les émissions de CO₂ et la demande globale de mobilité. Basée sur la généralisation des pratiques des territoires pionniers, une approche prudente porterait la part modale du vélo à 8 % - contre 3% en 2019 -, réduisant de 15 % les émissions de gaz à effet de serre de l’ensemble des déplacements de moins de 80 km, soit 8 millions de tonnes de CO₂ économisées par an. Dans une perspective plus ambitieuse, la part modale pourrait atteindre 30 à 50 %, réduisant jusqu’à 31 % les émissions. À travers le monde, les grandes villes ont montré que le vélo n’est pas un accessoire « bobo » : il est un outil de réappropriation de l’espace, de soin de sa santé et de rationalisation du budget. Là où la densité impose de repenser la voirie, la réattribution aux mobilités actives a fait exploser la pratique - et ainsi, a produit la « sécurité par le nombre » -, révélant le potentiel d’un mode efficace et vertueux.

L’action départementale : des pistes pour avancer ensemble

En Essonne, le territoire et la ruralité limitent certaines marges de manœuvre : le vélo électrique permet alors de franchir les dénivelés et d’allonger les distances. Le premier plan vélo a déjà comblé certaines ruptures, comme le pont au-dessus de la 118 à Saclay, tandis qu’un chantier à Juvisy mobilise 13 millions pour 200 m : cela illustre l’ampleur des investissements nécessaires. Les associations cyclables relèvent parfois des retards, expliqués par la complexité des aménagements et le besoin de continuités linéaires. Le nouveau plan vélo, à adopter d’ici la fin de l’année, vise une couverture plus dense, plus de kilomètres de pistes et des projets matures, sans que complexité ne rime avec immobilisme. Aujourd’hui, le plan affiche un taux moyen d’avancement de 55 %, avec 18 km d’itinéraires réalisés, 29 km réhabilités, et 80 % des collèges publics équipés de stationnements vélo. Les associations locales sont soutenues pour développer le vélo-école et des ateliers participatifs pour les collégiens.

Une trajectoire collective, en Essonne, et partout dans nos territoires

La mémoire de Paul Varry et l’engagement des associations nous obligent : la sécurité de tous, et le développement du vélo en sérénité, sont des responsabilités collectives. L’Essonne a déjà accompli des progrès, mais du chemin reste à parcourir. Le Département s’engage à poursuivre et renforcer son plan vélo, à travailler avec l’ensemble des acteurs du territoire, et à faire du partage de la route une culture commune. Pour que nos déplacements deviennent des rendez-vous où l’on se croise et progresse ensemble en sécurité, où chacun trouve sa place et avance en confiance.

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