150 ans après sa création, il nous appartient de reconstruire la République
Après deux éphémères tentatives, la République est véritablement née en France, le 4 Septembre 1870, après la défaite militaire de Sedan, la chute du second Empire et l’amputation d’une partie de son territoire. De cette blessure profonde, le pays a trouvé les ressorts pour consolider ce qui a fait de nous des Français.
Autour de leurs institutions, de l’école, des libertés communales, de la vie politique, associative, syndicale, de la laïcité de l’Etat (loi de 1905), les Français se sont rassemblés sur un corpus de valeurs qui a constitué le socle de leur organisation.
Avec l’expansion coloniale, l’essor de la science, le rayonnement de la culture, la révolution industrielle et l’instauration d’un régime parlementaire, la France s’est affirmée comme un phare pour le reste du monde. Malgré ses nombreuses imperfections, malgré la première Guerre mondiale, malgré plusieurs crises politiques et sociales et la crise économique de 1929, la IIIème République a duré 75 ans avant de s’effondrer en 1940. Néanmoins, sous l’impulsion du programme élaboré par le Conseil National de la Résistance en 1944, l’Etat fort au service du bien public subsiste avec nationalisations, planification, retour du suffrage universel, sécurité sociale, Puis la république gaullienne qui rehausse les couleurs nationales et redonne à la France sa place dans le concert des nations …. Ce sont les « 30 glorieuses ».
Avec le recul, cette période de cent ans a malgré tout été une expression continue, parfois chaotique, du renforcement de la République autour de valeurs cardinales, du sens et du bien commun, tels que les concevait Platon dans sa cité idéale fondée sur l’entraide entre les hommes. Elle ne survivra toutefois pas à la recomposition du monde et de la société française qui se dessine à la fin des années 60. L’essor du libéralisme économique, la décolonisation et les migrations, la construction européenne, les chocs pétroliers et l’apparition d’un chômage de masse ont profondément bouleversé, en bien ou en mal, notre manière de vivre et nos rapports sociaux.
Où est-elle aujourd’hui cette République une et indivisible proclamée par la Convention nationale du 21 septembre 1792 et devenue, dans la Constitution de 1958, République indivisible, laïque, démocratique et chargée d’assurer l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion et de respecter toutes les croyances ?
Au cours de ces 50 dernières années, nous avons assisté peu ou prou au détricotage de la République. A la recherche du bien commun et de l’intérêt général, la promotion des libertés individuelles et l’avènement d’un capitalisme effréné ont substitué l’ambition de plaisirs et de conforts personnels.
Face à cet individualisme croissant, l’Etat s’est peu à peu délité. Il n’est plus le monstre froid de Nietzsche mais une simple administration qui a perdu toute autorité face au pouvoir économique des grands trusts multinationaux, face à la puissance des groupes de pression relayés par les médias et les réseaux sociaux, face à l’avènement du « chacun pour soi ».

Nous assistons passivement à une lente mais inexorable remise en cause des institutions. L’école, qui était le socle de la République, n’est plus le ferment de la Nation et l’ascenseur social qu’elle constituait ; la fin de la conscription a brisé le lien armée-Nation ; la politique et le syndicalisme n’intéressent plus et suscitent même défiance et aversion ; même les églises se vident. Il en résulte une hausse insupportable des violences, trop souvent impunies, à l’encontre même de celles et ceux qui sont en charge de notre sécurité, qui remet en cause l’égalité de tous devant la loi. Il en découle aussi une inquiétante montée des communautarismes et du radicalisme qui menace chaque jour l’esprit de la loi de 1905 et la laïcité de l’Etat. Il en résulte aussi un affaiblissement de notre démocratie au regard de la regrettable montée de l’abstention à chaque fois que les Français sont appelés à exprimer leurs choix par le biais du suffrage universel. Il en découle enfin une remise en cause de ce qui fait le ciment de notre Nation : notre langue, notre culture et même notre histoire.
La République est en danger. Elle ne l’est pas au sens de la Patrie en danger en 1792, elle l’est par notre négligence à en défendre les valeurs.
Notre triptyque « Liberté, Egalité, Fraternité » n’est pas seulement constitué de mots. Comme l’écrivait Victor Hugo, « La Liberté, c’est le droit ; l’Egalité, c’est le fait ; la Fraternité, c’est le devoir ».
Selon l’adage, la liberté est le pouvoir de faire tout ce qui ne nuit pas aux droits d’autrui. Pour que cette liberté soit garantie à chacun et pour se prémunir de la loi du plus fort, il est donc nécessaire que soit respecté l’Etat de droit et que la force publique retrouve toutes ses prérogatives et son autorité. La police, la gendarmerie, l’armée, la justice sont des auxiliaires de cet Etat de droit et doivent être pourvues des moyens d’exercer leurs missions au service de la Nation. Avec de la volonté politique, ce défi peut être gagné.
La fraternité, troisième pilier de notre triptyque républicain, relève assurément de la solidarité que nous devons à celle ceux que la mondialisation et notre société consumériste laissent sur le bord du chemin. Cette solidarité doit s’exprimer à tous les niveaux ; au niveau de l’Etat par une fiscalité qui ne soit pas illisible et confiscatoire et mais juste et compensatrice ; au niveau des grands groupes dont la mondialisation heureuse doit aussi rejaillir sur les salariés et sur leur environnement ; au niveau de chacun d’entre nous par la main que nous tendons à celui qui est dans la peine ou la misère, par le rejet de la tentation de repli sur soi et des pulsions identitaires. Ce défi n’est pas entre seulement entre les mains de l’Etat, il est entre celles du peuple de France, il est entre les nôtres.
Oui, la République va mal, mais elle vit encore. Elle est maltraitée et blessée mais elle peut toujours être secourue et soignée. Elle est toujours notre horizon commun si tant est que nous soyons capables d’écrire un récit collectif qui fasse écho et élève chacun de nos destins. C’est à chacun de nous que cette question est posée.
Vive la république !